Je n’avais pas prévu d’écrire cet article aujourd’hui, ni même de l’appeler ainsi. Mais ce jour est particulier car Karl Lagerfeld est décédé. Peut-être que pour vous ce n’est rien, mais chez moi il y a un truc pincé dans ma poitrine.

J’ai fait des études supérieures dans la mode, et il y a des grands noms qu’on nous rabâchait tous les jours : Charles Frederick Worth, Yves Saint-Laurent, André Courrèges, Jean-Paul Gaultier… et Karl Lagerfeld. On étudiait tout ce qu’ils avaient apporté à la mode et comment aujourd’hui encore leur art et leur talent se retrouvent dans l’air du temps.
Karl et moi (comme si c’était mon pote), nous avions une relation conflictuelle, j’étais admirative de sa carrière, mes yeux brillaient à chaque nouvelle mise en scène des défilés Chanel, je voulais me rouler nue dans ses fourrures pour Fendi et j’explosais de rire à chacune de ses punchlines. J’étais absolument dingue de son personnage et de son allure, toujours un haut col blanc et plein de bagues aux doigts.

Mais parfois j’étais blessée, quand il affirmait dans les médias que les femmes grosses n’avaient pas leur place sur les podiums, que les gros étaient la cause du déficit de la sécurité sociale ou lorsqu’il refusait d’habiller Adèle pour une cérémonie… Karl Lagerfeld n’avait pas sa langue dans sa poche et je crois que c’est l’ensemble du monde de la mode qui est grossophobe. Il a dit tout fort ce que les acteurs de la mode pensent tout bas.

Je suis fatiguée de voir que même des marques qui mettent en avant des silhouettes généreuses dans leur défilé, au final ne proposent pas de grande taille dans leur collection mise en vente: Jean-Paul Gaultier, Marc Jacobs, Jeremy Scott… On s’acclame « Ouha ils ont mis une fille dodue dans leur campagne/défilé » mais c’est juste pour surfer sur la mode de l’inclusif et du bodypositive.

Mardi 19 Février, j’ai été peinée par la disparition d’une icone, qui malgré tout m’a beaucoup apporté et beaucoup inspiré… alors quand j’ai reçu vos messages privés insultant sa mémoire, je n’étais vraiment pas le bon destinataire. Si vous voulez cracher sur des créateurs qui ne vous habillent pas, allez-y mais pas le jour de leur disparition et encore moins auprès d’une fashionista comme moi. Quand ma mère est décédée, elle m’a laissé quelques bijoux Chanel, malgré les propos de Karlito, quand je porte les deux C aux oreilles, avec une chemise blanche et quelques perles, je deviens une femme Chanel, qu’il n’en déplaisent à certains esprits étriqués. Je suis grosse, je consomme la mode et je lutte à ma façon contre la grossophobie en sublimant des pièces qui ne m’étaient même pas destinées.

Chemise Navabi – Robe Only Carmakoma – Jupe Crayon Asos Curve – Ceinture Asos – Bracelet Marc Jacobs – Chaussures Buffalo

Tout le monde porte ses lunettes noires aujourd’hui…